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Esprit/Révolution
Une autre histoire des Etats-Unis.
Une autre Amérique...

Ce livre doit plus à la contre information qu’à la vulgarisation : plutôt qu’une actualisation des versions au service des pouvoirs économiques et politiques, Howard Zinn en propose le contre-modèle, l’antidote qui nous soigne de l’histoire écrite par les dominants pour désespérer les dominés de tout changement.

Howard Zinn ne tient pour histoire que l’histoire du plus grand nombre. Il prend acte du fait que seule la mémoire des défaites (souvent) et des victoires (rares) des dominés nous enseigne correctement le monde tel qu’il va. Au contraire de la mémoire des États, qui n’est qu’une mémoire déformée selon les exigences idéologiques (ou les modes publicitaires), version aplatie d’un présent toujours renouvelé qui nie l’impact du passé sur le présent et le futur, Howard Zinn propose de rendre à l’histoire son potentiel de subversion, forçant le lecteur à tirer les leçons du passé.

Pour croire qu’un autre monde est possible, ça aide de savoir que d’autres en ont rêvé avant, et que leur échec n’a rien d’inéluctable mais, au contraire, qu’il fut l’objet d’une mobilisation de tous les instants par ceux qui avaient des intérêts bien concrets à ce que rien ne change : questions d’argent, de pouvoir, de confort dans un ordre social soutenu par les lois, la manipulation de l’opinion et la force physique.

La synthèse que constitue cette histoire s’appuie sur les recherches accomplies depuis les années 1970 sur l’esclavage, sur la période révolutionnaire, sur la formation du capitalisme d’État, sur l’expansion territoriale – que l’on connaît sous le beau nom de " conquête de l’Ouest " mais qui constitue bel et bien la première étape de l’impérialisme américain. Une synthèse qui exprime clairement le point de vue – habituellement occulté – de l’opprimé, que l’histoire officielle traite en figurant : l’Indien, le Noir, le Chicano, le Portoricain, le simple soldat, le prisonnier politique, le gréviste, le sans-travail, la femme.

Prenons un condensé de domination, citons la parole d’une femme noire et pauvre, du temps où le féminisme n’était pas récupéré par la bourgeoisie blanche et l’antiracisme par la propagande sociale-démocrate ; du temps où l’on établissait un lien entre la question féministe et la nécessité de changer fondamentalement la société : " La révolte de la femme noire et pauvre, ce marais de la hiérarchie sociale dont on n’a jamais parlé jusqu’ici, pose la question de savoir ce qu’elle exige et pour quel type de société elle est prête à se battre. Pour commencer, elle exige de pouvoir jouir du contrôle des naissances au même titre que les Blanches et la femme noire de la petite bourgeoisie. Elle est également consciente que le processus d’oppression se joue à deux et que, comme les autres pauvres, elle ne veut plus jouer. Elle est l’alliée de tous ceux qui, à travers le monde, ne possèdent rien, et elle soutient leurs luttes révolutionnaires. Les conditions historiques l’ont contrainte à soustraire ses enfants à la domination masculine, à les élever et à subvenir seule à leurs besoins. De ce fait, la domination et l’exploitation de la femme par l’homme s’est sérieusement affaiblie. En outre, elle a conscience que ses enfants sont voués à servir – comme tous les enfants pauvres de toute éternité – de mercenaires misérables et sous-payés dans le seul but de maintenir et de promouvoir une élite toute-puissante. […] Comprenant tout cela, elle a d’ores et déjà commencé à remettre en question la domination masculine et la société de classes qui la sous-tend : le capitalisme. "

Loin de tout dogmatisme, Howard Zinn propose toutefois quelques grandes lignes pour rendre compte de l’évolution des relations sociales en termes de conflit de classes, de races, d’origines ethniques et de sexes. Ainsi se succèdent au long des siècles une variation sur le thème de la division des intérêts des dominés, du développement des fragmentations sociales dans un pays où les distinctions de classe recoupent celles des origines nationales, des races et des sexes. Un usage habile, par les élites, de la désunion des dominés (Blancs pauvres contre Indiens puis Noirs puis étrangers) : " Le résultat évident de tout cela a été de convaincre le Noir américain que son plus grand ennemi n’est pas le patron qui le volait mais son collègue blanc. " [W. E. B. Du Bois, 1913.]

Puisqu’il ne s’agit que de faire l’histoire du plus grand nombre, Howard Zinn tisse principalement son récit du portrait des mouvements populaires et de leur mode d’action : grèves paysannes et ouvrières, boycottage par des locataires et des consommateurs, formes multiples de désobéissance civile (notamment dans l’armée), organisations de base, alternative au bipartisme, luttes syndicales et actions communautaires, etc.

Voyons comment ce livre s’y prend pour inverser cette image d’une histoire tissée de figures héroïques et de hauts faits d’armes, de scènes édifiantes et de personnalités exemplaires. Prenons trois héros martiaux du Panthéon américain de la Seconde Guerre mondiale : MacArthur, Eisenhower et Patton. Ils font leur première apparition dans l’histoire américaine au printemps et à l’été 1932 : " La colère des vétérans de la Première Guerre mondiale, qui se retrouvent au chômage sans pouvoir nourrir leurs familles, est à l’origine de la marche de la Bonus Army sur Washington. Les anciens combattants, brandissant les certificats gouvernementaux qui leur garantissaient des indemnités (ou bonus), réclament qu’on les leur verse sur-le-champ tant ils en ont désespérément besoin. Seuls ou accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants ; au volant de vieilles voitures épuisées ; en passagers clandestins à bord des trains de marchandises ou en auto-stop, ils arrivent de partout à Washington. Des mineurs de Virginie-Occidentale ; des tôliers de Columbus (Géorgie) ; des chômeurs polonais de Chicago. Une famille – le mari, la femme et leur enfant de trois ans – met trois mois, passant d’un train de marchandises à l’autre, pour venir de Californie. Chief Running Wolf, un Mescalero sans travail, arrive du Nouveau-Mexique en costume traditionnel, avec arc et flèches. Ils sont plus de vingt mille à camper sur l’autre rive du Potomac, en face du Capitole, dans les marais de l’Anacostia. Le décret destiné à autoriser le paiement des fameuses indemnités est voté par la Chambre puis rejeté par le Sénat. Certains vétérans, découragés, lèvent le camp. La plupart restent sur place, les uns occupent des bâtiments officiels, les autres demeurent dans les marais de l’Anacostia. Finalement, le président Hoover ordonne à l’armée de les chasser. Quatre escadrons de cavalerie, quatre compagnies d’infanterie, une batterie de mitrailleuses et six tanks se regroupent près de la Maison-Blanche. Le général Douglas Mac Arthur est chargé de l’opération, secondé par le major Dwight Eisenhower. Parmi les officiers, un certain George Patton. Après avoir fait parader ses troupes le long de Pennsylvania Avenue, MacArthur utilise les gaz lacrymogènes pour expulser les vétérans des vieux bâtiments qu’ils occupaient avant d’y mettre le feu. L’armée traverse ensuite le pont pour rejoindre Anacostia. Des milliers d’anciens combattants s’enfuient avec femmes et enfants pour échapper aux bombes lacrymogènes. Les soldats incendient quelques baraques ; tout le campement est bientôt la proie des flammes… "

De Mac Arthur et de Patton, on n’entendra plus parler. Quant à Eisenhower, son retour est l’occasion d’évoquer le rejet de la demande de grâce pour les époux Rosenberg, l’expédition de soldats au Liban au service des intérêts économiques américains, puis, au printemps 1960, l’entraînement des exilés cubains anticastristes en vue d’une invasion – un programme mené à bien (si l’on peut dire) par Kennedy…

Que veut dire " l’impact du passé sur le présent et le futur " dans une histoire qui " force le lecteur à tirer les leçons du passé " ? Quelques exemples éclairent les engagements américains promus ces dernières années au rang de " guerre humanitaire ".

— Les États-Unis se sont opposés à la révolution des Haïtiens pour obtenir leur indépendance. C’était le début du xixe siècle, et l’établissement d’une république noire inquiétait la toute nouvelle mais durablement esclavagiste nation américaine.

— Les États-Unis provoquent en 1846 une guerre avec le Mexique à l’issue de laquelle ils gagnent la moitié du territoire mexicain.

— Sous prétexte d’aider Cuba à se débarrasser de la tutelle espagnole, les États-Unis y imposent une base militaire, leurs investissements financiers et un droit d’intervention dans les affaires intérieures du pays.

— Dans l’élan des victoires contre l’Espagne, les États-Unis se sont également approprié Hawaii, Porto Rico et Guam.

— Les États-Unis ont mené une guerre sans merci aux Philippins, à propos de laquelle Albert Beveridge, s’exprimait ainsi devant le Sénat, le 9 janvier 1900 : " Monsieur le président, la franchise est maintenant de mise. Les Philippines sont à nous pour toujours. […] Et à quelques encablures des Philippines se trouvent les inépuisables marchés chinois. Nous ne nous retirerons pas de cette région. […] Nous ne renoncerons pas à jouer notre rôle dans la mission civilisatrice à l’égard du monde que Dieu lui-même a confié à notre race. Le Pacifique est notre océan. […] Vers où devons-nous nous tourner pour trouver des consommateurs à nos excédents ? La géographie répond à cette question. La Chine est notre client naturel. […] Les Philippines nous fournissent une base aux portes de tout l’Orient. Nulle terre en Amérique ne surpasse en fertilité les plaines et les vallées de Lusón. Le riz, le café, le sucre, la noix de coco, le chanvre et le tabac… "

— Les États-Unis ont ensuite " ouvert " le Japon au commerce américain à grand renfort de navires de guerre et de menaces. Ils ont instauré la politique de la " porte ouverte" en Chine, de manière à s’assurer de bénéficier des mêmes opportunités que les autres puissances impérialistes dans l’exploitation des ressources chinoises.

— Alors qu’ils exigent que les marchés asiatiques soit totalement ouverts au commerce, les États-Unis insistent en revanche pour que l’Amérique latine reste un marché fermé – fermé à tous sauf aux États-Unis, évidemment. Puis ils suscitent une révolution en Colombie et inventent l’État
" indépendant " du Panamá afin de permettre la construction – puis de s’assurer le contrôle – du canal du même nom.

Passons au-dessus de la très légitime Seconde Guerre mondiale. Quelles interventions désintéressées trouvons-nous ensuite ?

— Ni en Grèce en 1947 pour aider les Britanniques à contrôler une guérilla de gauche qui se développe contre la dictature de droite qu’ils y ont instaurée.

— Ni en 1950 en Corée dans une guerre qui fit deux millions de morts. Ni en 1953 en Iran, où un coup d’État orchestré par la CIA installe le Chah.

— Ni en 1954 au Guatemala, où des mercenaires, entraînés par la CIA au Honduras et au Nicaragua, renversent avec l’aide de l’aviation américaine le gouvernement le plus démocratique que le Guatemala ait jamais connu.

— Ni en 1958 au Liban, où des milliers de marines sont envoyés pour empêcher le renversement du gouvernement pro-américain et protéger ses intérêts économiques dans une région connue pour ses richesses en ressources pétrolières.

— Ni en 1961 à Cuba, où plus de mille exilés cubains, armés et entraînés par la CIA, débarquent dans la baie des Cochons avec l’espoir de provoquer une rébellion contre le gouvernement castriste.

— Ni entre 1961 et 1972 au Vietnam, au Laos, au Cambodge, puis en Indonésie, puis en République dominicaine.

— Ni dans les années 1970 et 1980, dans divers coins du Proche-Orient, au Chili puis au Salvador et au Nicaragua et sur la minuscule île de la Grenade.

Passons encore sur quelques " détails ".

— Nous voici en 1991, quand les États-Unis volent au secours du Koweït et déclarent la guerre à l’Irak : pour garantir une souveraineté sans rapport avec le contrôle d’une partie des ressources pétrolières du Golfe ?

— Puis nous voilà en 1999, avec une guerre officiellement " humanitaire " : le bombardement en mars de cette année-là, par l’OTAN, du Kosovo et de la Serbie…

À lire la presse américaine depuis janvier, il ne s’agirait plus de poser la question de la guerre mais de l’heure de sa déclaration… En Europe, on semble ne plus attendre que le moment où la France reniera ses positions pour suivre les autres nations. Demandons-nous alors " si la motivation officielle de l’entrée en guerre des États-Unis [fut jamais] le souci de défendre " un quelconque principe moral.

Par Thierry Discepolo, éditeur des éditions Agone

Ecrit par weinmann, le Mardi 2 Septembre 2003, 12:21 dans la rubrique "Littérature".


Commentaires :

  weinmann
weinmann
03-09-03
à 14:23

essayez-ça, un peu...

Sur Google, tapez dans recherche: "bush nazi"...

Y'en a pour des semaines à tout lire...